Qui aidons-nous ?

Notre Association a été créée pour aider dans leur action Thuy et Jean Garcia.

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Thuy et Jean

Pour mieux les connaître, le mieux est de leur laisser la parole :

QUI SOMMES NOUS ?

Nous sommes un couple franco-vietnamien vivant à Hué, ayant œuvré pour des associations caritatives françaises d’aides aux enfants de rue et travaillons actuellement dans le tourisme.

L’un comme l’autre, nous sommes sensibles aux inégalités sociales et avons dans un premier temps travaillé à l’aide des autres avec nos deniers personnels, à présent, notre implication est trop restreinte, d’où l’idée de mettre en place autre chose avec une aide extérieure.

QUELLE EST NOTRE DÉMARCHE ?

Sensibiliser ceux qui veulent apporter une aide efficace et directe aux plus démunis du Vietnam, particulièrement dans un premier temps à ceux habitant la localité de Hué. Notre chance dans cette action, c’est de vivre près d’eux, à leur contact et de connaître leur quotidien. Notre avantage est de posséder un regard mixte où nos deux cultures respectives nous permettent de faire le lien entre les perceptions différentes de l’existence au travers des courants de pensée occidentale et asiatique.

OÙ VA ALLER CETTE AIDE ?

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Huê, Vietnam

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons défini dans un premier temps de nous rendre utiles auprès d’une tranche de la population de Hué, constituée de familles laborieuses vivant et travaillant à bord d’embarcations sommaires. Ces gens sont appelés sampaniers ! (leur bateau se nomme sampan). Depuis des générations, ils vivent en écumant canaux et rivières du centre Vietnam, d’où ils tirent leur subsistance. Ils vivaient principalement de la pêche, mais celle-ci, avec le temps ne leur a plus permis de vivre pleinement. Ils ont donc profité d’une autre opportunité à leur portée : l’exploitation du sable et du gravier que charrie le fleuve afin d’approvisionner les Sociétés de construction. Bien évidemment, c’est un travail pénible, qui leur permet tout juste de vivre au jour le jour.

Nous ne voulons évidemment pas nous cantonner uniquement aux seuls sampaniers, nous sommes les témoins de la détresse d’autres enfants en difficultés et notre rêve est d’être utile dans les limites de nos moyens au plus grand nombres.

COMMENT AIDER ?

Le nerf de la guerre reste l’argent, c’est incontournable ! Même si les dons de vêtements ou de fournitures scolaires sont appréciés, seulement dans la mesure ou ceux-ci ont été récupérés et non pas achetés car pour le prix d’un cahier en France, on peut en acquérir 10 au Vietnam. L’aide est précieuse, il ne faut pas la gaspiller !

L’argent ne sera pas remis à des organismes ou intermédiaires, mais par notre assistance directement aux familles, qui en échange, fourniront certificat de scolarité et facture, ceci en accord avec un contrat qu’ils auront à signer où ils s’engagent envers leur parrain dans une démarche mutuelle.

Nous mêmes, nous nous engageons à tenir à disposition des parrains français fiche d’identification, certificat scolaire, facture, document en relation avec le suivi de l’enfant et rapport budgétaire. Ces document seront envoyés par Email à la simple demande des parrains.Le fait de prendre un tel engagement est une responsabilité envers ceux qui vont être aidés et il est préjudiciable pour ceux-ci d’avoir un parrain qui se retire après peu de temps….ils fondent beaucoup d’espoir dans cette démarche, il faut en être conscient !

À QUI EST DESTINÉE CETTE AIDE ?

Avant de dresser le portrait du destinataire de cette aide, il faut connaître certaines réalités de la vie au Vietnam. Tout d’abord, à contrario de la France, les caisses de retraite et de sécurité sociale sont pratiquement inexistantes dans ce pays (a l’exception de grosses sociétés). Les problèmes engendrés par ce manque se traduisent par une charge financière importante pour la famille en cas de maladie et d’hospitalisation, mais aussi par un futur incertain pour les personnes âgées. C’est là où la tradition séculaire vietnamienne prend toute son importance ! Le fils aîné de la famille, même après son mariage, restera au domicile familial et prendra en charge ses parents dans leur vieillesse.

Qu’en est-il de la fille ? Au moment où elle prendra un époux, son destin sera lié au sien et elle ira vivre dans la maison de ses beaux parents. Quelle conclusion en tirer? En cas de problème, pour joindre les deux bouts, les enfants seront aux premières loges et particulièrement les filles que l’on devra sacrifier en premier, afin de privilégier le garçon. Pour des parents pauvres, le choix est vite fait entre le fils soutien de leurs vieux jours et leur fille, destinée à partir après son mariage. Ne voyez aucune cruauté mais juste une question de survie !

Maintenant, vous avez compris que notre démarche va au delà de l’aide à un enfant en particulier, mais s’implique dans un processus qui va bien plus loin, car en assurant son éducation, vous allez aider aussi ses parents pour le futur. L’aide apportée est surtout de soulager une famille du poids des contraintes dues à leur condition et de leur donner l’espoir d’une vie meilleure pour leurs enfants, qui évidemment se répercutera sur eux (les parents).

TEMOIGNAGE DE LA VIE D’UN SAMPANIER

Le sampanier a lié sa vie à celle du fleuve, elle lui donne refuge et subsistance. On pense que les sampaniers , il y a plusieurs générations de cela, ont quitté les abords d’une des plus grandes lagunes du Centre Vietnam pour trouver une vie meilleure sur les rives de la Rivière des Parfums. Leur occupation principale était la pêche et le commerce qui s’y rattache. Mais ce cours d’eau connaît des limites et il a fallu aux sampaniers trouver une autre activité. Historiquement l’ensablement de la Rivière des Parfums a empêché celle-ci de transformer HUE en port de commerce international, mais elle offre à ceux qui la draguent un moyen de vivre.

Le sable et le gravier tirés du lit de la Rivière apporte un revenu aux sampaniers aux travers de leur revente à des intermédiaires, qui eux-mêmes vont revendre le tout à des Sociétés de construction

Chaque jour, les familles sur leur bateau, accompagnées de journaliers, vont effectuer un seul dragage d’environ 7 à 10m3. Ils vont puiser au fond de l’eau ce sable grâce à de grandes pelles équipées de longue perche en bambou et treuillées par un système de tourniquet qui est actionné par plusieurs personnes. La vente de ce produit va leur rapporter en moyenne 200.000 VND, soit 10euros/jour, qui sera partagé entre tous après avoir déduit les frais de fonctionnement (carburant, etc…), en moyenne chacun d’eux va percevoir de 0,75 euros à 1,5 euros dans une très bonne journée et cela pour 20 jours par mois de travail possible.

L’autre source de revenu reste la pêche, mais le produit de celle-ci n’est constitué que de petites fritures, qui à la vente, n’amènera qu’un faible bénéfice.

Toute la vie des sampaniers tourne autour de leur embarcation, elle est leur outil de travail et leur domicile. Il est courant sur ces bateaux de trouver des familles constituées d’un couple, d’un grand parent et de nombreux enfants. Le nombre de 6 est courant parmi eux. En l’absence de caisse de retraite, les enfants et leur éducation vont être l’espoir de leurs parents dans une vieillesse prise en charge par leur progéniture. Ces enfants vont être aussi la raison de beaucoup de sacrifices consentis par leur père et mère. Certains de ces enfants connaîtront l’école très tard au travers de programme d’alphabétisation (13 ans pour l’équivalent du CP) et d’autres n’iront même pas au terme du cycle primaire, sans parler des jeunes collégiens qui, par faute de moyen financier abandonneront leurs études brillantes en cours de route.

Pour comprendre la difficulté liée au financement de l’éducation des enfants, il faut connaître leur coût : Le système éducatif vietnamien est calqué sur celui de la France : maternelle, primaire, collège, lycée et université. L’école primaire au Vietnam est par définition ouverte à tous et gratuite, mais la réalité pour les familles est autre : il leur faut payer fourniture et uniforme, ainsi que certains frais qui s’élèvent pour l’année à 500.000 VND/an.

Paradoxalement, la maternelle fonctionne différemment et seul une partie des frais de fonctionnement de ce style d’établissement est pris en charge par le gouvernement, pour les familles, cela se traduit par des coûts d’éducation comme suit : 180.000 VND/inscription + 100.000 VND/mois. Pour le collège, le coût s’élève en moyenne à 800.000 VND/an (sans fourniture et uniforme), le lycée demande 1.000.000 VND/inscription + frais d’études/an (idem), l’université 3.000.000 VND/an (idem). Tous ces chiffres sont des moyennes et certains établissements sont plus ou moins chers.

Revenons à nos sampaniers qui doivent assurer l’éducation de leurs enfants, nous avons vu qu’à travers leurs activités, ils ont un revenu journalier en moyenne de 20.000 VND/jour (1 euro) et cela pour environ pour 20 jours par mois, soit 400.000 VND/mois (20 euros) auquel on peut ajouterunpetit bénéfice du à la pêche et nous voici avec un montant de 500.000 VND/mois (25€) pour une famille entière. On comprend plus aisément leurs difficultés pour assumer le devenir de leurs proches et leur faculté pour ne concevoir la vie qu’au pour le jour.

LES DEBUTS DE JEAN AU VIETNAM

J’ai quitté mon village de Provence pour vivre mes aspirations, tout abandonner pour un lieu qui de tout temps m’a fait rêver, le Vietnam, mais pas sans un but précis puisque j’y associais mon autre passion: les enfants. Depuis plusieurs années j’essayais par tous les moyens de partir sous l’égide d’un organisme quel qu’il soit, pour oeuvrer efficacement dans ce pays. Cette prospection a été un véritable chemin de croix tant les désillusions se succédaient et tant ma quête ressemblait à un épisode de Don Quichotte, à tel point que j’en étais moi-même conscient, désirant appeler ma vieille moto, fidèle depuis 20 ans « Rossinante ». Le miracle s’est produit grâce à la magie des temps modernes, un correspondant dont j’ignore encore le nom me transmet par internet une adresse, celle d’une association qui aide plusieurs missions locales, tout aussi bien dans le domaine médical, scolaire, que de la petite enfance.

Contact était pris. Me voici à présent avec le sésame qui me permettra enfin d’entrer de plein pied dans mon rêve et pas n’importe où dans ce pays. La ville la plus emblématique du Vietnam m’attend, il s’agit de Hué, ancienne capitale impériale où l’on sent encore le poids des traditions ancestrales, chaque édifice, chaque lieu en témoigne.

Cela fait maintenant un mois que je suis arrivé sur place mon travail devait concerner la gestion financière, administrative et éducative de ce centre qui recueille les enfants des rues, mais je suis loin de pouvoir réaliser ce que l’on m’a demandé en France, les instances administratives du lieu m’ont vite fait comprendre que mon rôle serait juste celui d’observateur et pour couronner le tout aujourd’hui 1er novembre vient d’arriver à expiration mon visa, qui malgré tous mes efforts ne m’a pas encore été renouvelé. Depuis plusieurs jours sans discontinuer, il pleut, la côte d’azur est décidément bien loin. Ce soir je suis invité par le professeur de français de la « Maison » à son anniversaire, je n’ai aucune envie de festivité mais je me suis engagé, il me tarde de rentrer et de me coucher en espérant que le sommeil épargnera mon moral bien bas.

En repartant, je suis surpris par la violence des bourrasques de vent et de pluie, traverser le pont qui relie les deux rives de la rivière des parfums devient une prouesse dont quelques-uns ne sortiront pas indemnes, moi c’est par obligation, car je loge à l’hôtel.
Moi qui désirais tant vivre avec les enfants, on m’a donné une chambre au premier étage et c’est là où enfin je trouve abri et sommeil réparateur. L’avenir allait me prouver à quel point j’en aurais besoin. Le 2 novembre, comme chaque jour, je me lève de bonne heure et prévois de retrouver les enfants avant d’aller déjeuner.
Une forte pluie m’attend à la sortie de mon logement ainsi que la surprise de trouver de l’eau à mi-mollet, encore inconscient de l’évènement qui se dessine, je prends mon vélo pour rejoindre le centre. Dix mètres plus loin le fort courant me contraint à faire demi-tour pour déposer mon véhicule. Mon arrivée récente m’empêche de comprendre la situation, je refais une tentative cette fois à pied en remontant bien haut pantalon et cape imperméable, qui sont autant d’éléments influençables par le courant devenu violent. Le site de la « Maison » se trouve placé entre la rivière et un canal légèrement en contre bas et bordé d’humbles demeures.

A mon approche des voisins proches me demandent de ne pas aller plus loin, l’eau arrive déjà à la ceinture et des tourbillons violents se sont créés, je ne me sens pas d’abandonner les enfants et contre tout avis je pars retrouver ceux à qui j’ai décidé de me consacrer.
A ce moment là une idée idiote me traverse l’esprit et je me dis que j’ai bien fais de perdre autant de temps en pratiques sportives, l’esprit est étonnant! Ma progression est laborieuse mais j’arrive bientôt sur place.
Je découvre les enfants avec deux employées affairées à sauver le plus de choses possibles en les transférant dans une bâtisse proche comportant un étage. Mon premier réflexe est de récupérer le maximum de couvertures, ce geste je ne l’ai pas réfléchi, je n’ai écouté que mon instinct.

A peine ai-je le temps d’installer les effets à même le sol qu’on me supplie d’accompagner une des femmes chez elle, parce qu’elle y a laissé son enfant seul. L’eau ne cesse de monter, le temps presse et pourtant notre déplacement est lent, chaque intersection devient un piège, soit il se crée un tourbillon, soit un fort courant, au fur et à mesure de mon déplacement j’arrive à les deviner.
Je cherche alors l’endroit de la chaussée qui nous exposera le moins. S’est associé aussi à notre périple un des adolescents les plus grands, qui doit par la suite me servir de guide pour le retour. Nous ne sommes pas seuls dans les rues, nous croisons d’autres personnes qui nous adressaient des sourires il y a peu, maintenant se lit la peur. Les deux personnes qui m’accompagnent m’agrippent fortement les bras, je suis devenu une sorte d’ancre pour eux mais cela ne suffit plus.
Je les empoigne car plus d’une fois le courant les soulève et les met à l’horizontale, mon poids d’occidental est un atout qui nous sert tous les trois. La panique gagne la femme qui maintenant ne cesse de dire mon prénom, je devine qu’elle ne sait pas nager, que la peur et l’idée de la mort s’installe en elle.
Progressivement nous regagnons les hauteurs de la ville où elle réside. Une halte est prévue dans la demeure du directeur du centre où je travaille, situé à peu de distance de sa propre maison. L’eau a pour l’instant épargné ce lieu, nous sommes accueillis par la femme du directeur, son enfant et une jeune servante. Je n’ai qu’une hâte repartir pour retrouver « mes gosses ».

Chose étonnante dans un premier temps les femmes s’opposent à mon départ, la connaissance de la langue n’est pas encore assez sûre pour comprendre certaines paroles vietnamiennes. J’allais apprendre un nouveau mot « lut’ qui veut dire inondation. Là, elles me font comprendre que je ne dois pas affronter à nouveau les éléments sans manger au préalable, ma raison me dit que c’est le bon sens qui les fait agir de la sorte, je me plie donc à leur insistance.
Le temps de préparer un peu de riz a permis à l’eau de pénétrer dans le jardin, de venir lécher le perron et enfin d’envahir la maison, cette rapidité nous à tous surpris.
L’employée de la « maison » décide de partir seule chez elle en me demandant de rester pour sauver ce qui pouvait l’être. Je ne me sens pas de repatir en abandonnant ces deux femmes et cet enfant, sachant que les trois seraient au moins à l’abri.
Je décide de rester et avec l’aide de l’adolescent ainsi que de la servante nous commençons à surélever le mobilier, mettre à l’abri vêtements et appareils électriques, cela pendant que la maîtresse de maison terrifiée ne cesse de téléphoner à son mari, lui-même resté bloqué dans son bureau. N’y tenant plus, au bord des larmes elle décide de prendre son enfant et part chercher refuge chez un voisin proche, possédant une maison munie d’une terrasse en hauteur.
Je lui adjoins l’adolescent par sécurité et pour ma tranquillité d’esprit. A ce moment là l’eau arrivait au genou, nous avons travaillé le plus longtemps possible, jusqu’à ce que le niveau atteigne ma poitrine. J’ai du forcer la servante à partir, elle voulait toujours en faire plus.
C’est certainement à ce moment Ià, que je me suis rendu compte de la force de caractère des femmes vietnamiennes, de leur courage et leur abnégation. Avant de partir, je prends la précaution d’emprunter des vêtements secs que je tiendrais bien haut, au-dessus de ma tête pour rejoindre les autres. La jeune femme s’accroche à mon bras et ensemble nous traversons la rue, pensant à tout, à trop, mon esprit n’a pas cessé un instant d’analyser chaque chose, je suis surpris moi même par mes reflexions, pourquoi à ce moment où j’ai besoin de toute ma lucidité, suis-je en train d’observer qu’après les gens, nous avons croisé la route de plusieurs espèces animales flottant plus ou moins, d’abord les insectes puis les rats suivis par les chiens et chats, en dernier venant les serpents, tout ce beau monde ne s’intéressant nullement aux autres espèces rencontrées ? Mystères de l’esprit humain…

Nous abordons notre nouveau refuge, j’accède à l’entrée principale de la maison où flotte une partie du mobilier, une voix nous appelle et nous guide vers un escalier encombré de personnes où se mêlent jeunes comme vieux. Avec beaucoup de difficulté, nous accédons à la terrasse elle même surpeuplée de voisins et de gens surpris par la montée des eaux. J’y retrouve la femme du directeur, qui pour apaiser son enfant lui donne le sein.

Autour de moi des êtres vivants, prostrés, hommes comme chiens, serrés les uns contre les autres, cherchant la moindre parcelle de chaleur, tous sont trempés nous avons un toit fait de tôle ondulée au-dessus de notre tête mais ce lieu est ouvert aux quatre vents et il me vient à I’esprit cet épisode du film « Forrest Gump » ou il commentait, justement au Vietnam, les différentes façons qu’avait la pluie de tomber, je suis en train d’expérimenter l’une d’elles: la pluie horizontale. Je n’ai pas encore eu le temps matériel de m’installer, que tous me demandent de repartir chercher de quoi se rechauffer; ma corpulence ainsi que le fait de savoir nager font de moi le volontaire parfait.

La servante, très attachée maintenant au sens propre comme au sens figuré, ne m’ayant toujours pas lâché le bras, décide de m’accompagner. J’aurais aimé refuser mais je ne connais pas suffisamment les lieux pour partir seul. Nous voici repartis, l’eau maintenant m’arrive à la gorge, en traversant un jardin, je m’empêtre dans la barrière et pour m’en sortir je suis obligé de la casser à coup de pieds tout en maintenant la servante. Nous voici à nouveau à notre point de départ. Nous munissant de couvertures et de linges maintenant se pose à nous un autre problème, comment emmener tout cela en le gardant au sec et sans que cela n’entrave nos mouvements au moment de rebrousser chemin. Décidèment je m’étonne ou plutôt mon esprit m’étonne.

Je suis dans une situation somme toute périlleuse et je suis là, à me demander ce que ferait « Mac Gyver » à ma place, je suis fou ! Pourtant cela marche je récupère dans un débarras deux très qrandes bassines en plastique rouge où j’entasse mon trésor que je recouvre de nos imperméables. Tout cela flottait joyeusernent devant nous et je trouvais la scène cocasse ( si je rentre en France, il faudra que je pense à consulter un psy). Sitôt regagnées la maison voisine la distribution des couvertures se fait, je reste surpris de voir combien de gens peuvent arriver. Pour moi se fait une autre priorité: me changer. On me traîne de force jusqu’aux toilettes qui me serviront d’abris aux regards pudiques des nombreuses jeunes filles qui ont trouvé refuge dans ces lieux. Je suis enfin au sec, les gens autour de moi m’apportent leur propre chaleur. La jeune femme devenue ma complice dans mes escapades aquatiques continue de rester près de moi en veillant à mon confort, c’est une vraie mère.

ll me faut plusieurs heures pour enfin me sentir bien malgré le vent et la pluie, bientôt un autre souci se dessine, la faim, les discussions vont bon train et je ne comprends pas tout ce qui se dit, je perçois les mots riz et viande. Pourquoi est-ce que je ressens un léger malaise lorsque tous, comme un seul homme me fixent, je suppose que je suis encore volontaire et en regardant les yeux de ma complice qu’elle est prête à repartir avec moi, je la soupçonne d’y prendre goût. Nouvelle traversée avec pour but le garde-manger, ma culture s’enrichit d’un nouveau mot « boi » en français nager, j’avoue que lorsque mon corps s’est à nouveau retrouvé immergé, j’ai ressenti le froid pénétrer en moi.

Par chance la distance n’est pas grande, et moi qui en France me plaignait sans cesse de la corvée des courses dans les supermarchés! C’ est mon esprit qui déraille à nouveau. à moins que l’humour ne soit une soupape de sécurité pour garder le moral, qui sait ? La technique de la bassine ayant bien fonctionné nous renouvelons l’expérience, avec en prime l’acquisition par mes soins d’un survêtement ainsi que d’un pull, je tiens à retrouver une température décente. Nous sommes en fin de journée et l’eau fait mine de redescendre. je veux profiter de ce repli pour inspecter la demeure pour laquelle nous avons tant travaillé. J’ai à peine fait mine de me lever que la jeune domestique est déjà près de moi ainsi que l’adolescent, cette situation est très révélatrice des caractères et je ne peux m’empêcher de penser que ce pays est rempli de gens simples qui sont autant de héros : j’aime cette nation.

Je suis content de nous, pratiquement tout a été préservé, il ne nous reste plus qu’à attendre que l’eau se retire définitivement. La nuit s’installe nous décidons tous les trois de nous allonger dans le lit en laissant en veilleuse une simple bougie. J’ai complètement perdu la notion du temps, j’ai le sentiment d’être là depuis longtemps, plusieurs jours même, tout est faussé. Par la fenêtre j’aperçois une lumière, une torche électrique oscille et cherche nos présences, je reconnais le directeur accompagné d’un de ces employés ainsi que de sa femme qu’il a récupérée.

A peine rentré, il s’empresse de me remercier pour avoir veillé sur les siens et sauvé sa maison. Passé ces courtes effusions nous profitons de ce renfort pour mieux consolider cette pyramide de meubles que j’avais instaurée et tout le monde s’installe pour la nuit, je n’arrive pas à trouver le sommeil ; assis sur le bord de la table je fixe une rangée de carrelage de couleur sombre qui me sert de témoin de niveau d’eau, bien m’en a pris, alors que tout le monde dormait l’eau est remontée rapidement, ni une ni deux, je réveille toute la maisonnée et nous surélevons à nouveau le mobilier. Le lit culmine à 1.70m maintenant et je ne sais pas si cela sera suffisant.
Deux heures après, surprise, l’eau se retire entièrement et là un seul mot d’ordre : « nettoyer en même temps », ou alors une boue épaisse restera, rendant plus tard le travail beaucoup plus difficile. Nous avons à peine fini qu’à nouveau l’eau refait son apparition, remontant de plus belle, ce scénario se reproduira quatre fois au cours de la nuit.

C’est étrange, malgré mon manque de sommeil je ne ressens aucune fatigue, peut-être est-ce dû au fait que tous mes sens sont en éveil. Le jour est maintenant là et je n’ai plus qu’une envie retrouver mes enfants même si l’eau est encore très présente, rien ne me retiendra, il me faut retourner à la « maison des enfants » mes hôtes le savent et n’insistent pas.
Le directeur griffonne un plan me permettant de rentrer en empruntant au maximum le haut de la ville et me confie de l’argent pour acheter de quoi manger en cours de route. Me voilà reparti avec mon « ado », sillonnant les rues sous le regard étonné des rares personnes croisées, qui me montrent du doigt en disant toi l’occidental.
Je dois bien être en effet le seul étranger à me promener à cette heure dans la ville.
Chose paradoxale je suis à rechercher les endroits détrempés pour marcher, mes pieds souffrent de petites plaies que seules apaisent l’élèment liquide. Ma priorité maintenant est de trouver des provisions, je ne connais pas à l’heure actuelle l’état du stock alimentaire et même s il y en a un. Je vais sillonner ainsi plusieurs quartiers à la quête de soupes instantanées, il me faudra l’aide d’une jeune femme pour enfin trouver ces denrées après plusieurs heures de recherche.
C’est en possession de plusieurs caisses d’aliments que je regagne la « maison ». Le refuge des enfants est entouré d’eau. J’y accède en maintenant mon précieux chargement au-dessus de moi, mon approche est lente ce qui permet à un enfant qui m’a vu, de donner l’alerte aux autres et de venir saluer mon arrivée. Je suis heureux que la pluie incessante masque mes larmes. La joie des enfants fait plaisir à voir ainsi que celle de la cuisinière qui restée seule avec eux en avait la lourde responsabilité, elle est très jeune mais de quel courage fait elle preuve dans cette occasion.

Je ne peux m’empêcher de voir cette même détermination qui caractérisait la jeune servante, elle a su mettre en place une organisation offrant le maximum de confort pour les enfants, ma présence n’est qu’un réconfort moral et j’en suis conscient. Ma première impression sur les femmes de ce pays se confirme, elles sont faites de cette fibre qui est utilisée pour confectionner l’étoffe des héros et toujours dans la plus grande simplicité. La nuit s’installe, nous allumons trois petites lampes à pétrole si petites qu’on les croirait sorties d’une dinette de poupee. à peine suffisante pour permettre à la cuisiniere de préparer le repas.

Sitôt avalés et vaisselle faite avec l’eau qui ne manque pas, nous installons les nattes de riz et les couvertures indispensables pour supporter ce froid humide qui pénètre chaque chose ( j’en remercie mon instinct ) Garçons et filles se sont installés séparément et moi je me suis mis au milieu comme un trait d’union. Sans que personne ne le décide à haute voix ; un jeu va se mettre en place et là je vais assister à des moments les plus émouvants de ma vie. Les filles vont entonner le couplet d’une chanson à laquelle les garçons vont répondre par un autre. Le but étant d’épuiser le registre de son adversaire, cela va durer une grande partie de la nuit dans des grands éclats de rire.
Mon émotion vient car j’assiste à une sorte d’hymne à la vie, je le sais. Je le sens au dehors, d’autres êtres perdent la vie. Le jour revient et chacun s’affaire à de petites tâches en attendant la décrue, tous nettoient cet endroit qui est maintenant notre abri, les plus grands s’occupent des petits, on dessine, on recopie des chansons en vue du prochain duel, un bref inventaire de ses effets personnels qui pour certains des enfants représente la seule trace d’une ancienne vie de famille.

Une nouvelle nuit, un nouveau matin et l’eau toujours aussi présente, je n’y tiens plus il faut que j’aille voir ce qui se passe à l’extérieur, la pluie incessante m’accompagne et assombrit davantage la vision de désolation qui m’entoure, aller plus loin ne servirait à rien, je décide de faire demi-tour. En rebroussant chemin, une femme m’interpelle et me demande de prendre son enfant pour lui donner à manger, j’accepte et me dirige à nouveau vers l’abri. Je ne sais pas comment derriere moi se forme une procession d’enfants et de vieilles personnes. La cuisinière nous regarde effarée, passé le premier instant de surprise elle n’a que 6 sachets de soupe pour tous ces gens qui n’ont pas mangé depuis 2 jours.

Dès que le demier est parti, elle me prend en aparté et m’explique que mon geste était insensé, que je ne connaissais pas l’évolution de l’inondation, que je pouvais mettre en péril la survie de chacun de nous en nous privant de nourriture. Je sais qu’elle a raison mais j’ai du mal a lutter contre ma nature.
Encore un jour qui s’écoule le niveau toujours aussi haut et cette humidité qui pénètre en toute chose devient difficile à supporter.

A l’aube du cinquième jour, alors que la clarté pointe à peine, la cuisinière guidée par une intuition nous sort de notre sommeil et nous demande de nous tenir prêts, elle pressent que l’eau va se retirer, elle a raison, doucement la décrue s’amorce.
Maintenant il faut rapidement évacuer eau et boue, laver à grande eau les meubles qui n’ont pas éte disloqués reconstituerun environnement vivable, cette tâche est pénible il y à plus de 50 cm de limon déposé par la rivière toute proche mais personne ne se plaindra.
Cela prendra toute la journée nous n’arrêterons qu’à la nuit tombée en sachant que les jours prochains nous demanderont autant de travail.
Pendant ces jours, j’ai développé un phantasme, celui d’une douche chaude. Je regagne mon hôtel, me munis d’une serviette et cours à la salle de bain. Et là, rien, ironie du sort, j’apprends à mes dépends que pendant et après les inondations il n’y a plus d’eau. Je ne peux pas m’empêcher de rire. Maintenant qu’une certaine sécurité s’est installée, je me dois d’aller prendre des nouvelles des autres.

Ma première visite sera pour les Français résidents à Huê. On me signale qu’ils ont été rassemblés dans un même hôtel offrant plusieurs étages. Je suis accueilli par « tu est là toi ? ». Là on m’apprend que l’on m’a déclaré disparu et que je dois dès à présent prouver mon existence. Mon esprit, encore lui, part sur une réflexion du style « c’est quoi la routine ? » Mes autres visites seront pour des amis vietnamiens très chers. Ils mériteraient chacun, qu’on raconte leur histoire, ainsi que de chaque enfant, peut-être plus tard. Pour l’heure la vie reprend ses droits, pendant que près du centre on aligne les cadavres que le fleuve a charriés.